
Après avoir lu “La Planète Bazar“, un livre sur les dérives de la surconsommation, j’ai enchaîné avec la lecture du livre “Over-dressed”, un bouquin qui se penche sur la problématique de nos habitudes de consommation concernant la vêtements, en particulier la mode pas chère, jetable, ou fast fashion. “Over-dressed” nous emmène à travers les dernières décennies pour comprendre l’évolution de notre rapport aux vêtements, les techniques utilisées pour les vendre de moins en moins cher, et comment nous envisageons la mode aujourd’hui.
L’histoire de la mode : d’un objet précieux à la fast fashion
Le bouquin, écrit pas Elizabeth L. Cline, ne se cantonne pas à dresser une liste des problèmes qu’entraîne la surconsommation de vêtements. Il retrace toute l’histoire et l’évolution de la mode pour analyser ce qui a entraîné la situation que nous connaissons actuellement.
Comment un objet précieux dans lequel on investissait autrefois est devenu un objet jetable, sans aucune honte et sans aucun remord. Comment la baisse des prix de la “fast fashion” a fait augmenter drastiquement le prix des marques de luxe, a supprimé de nombreux emplois chez nous et provoqué la fermeture de beaucoup d’entreprises.
L’auteure suit plusieurs personnages, influenceuses, directeurs.trices d’usines aux USA et à l’autre bout du globe, designers, couturières… pour délivrer un témoignage à plusieurs voix, en plus de son investigation personnelle.
Fast fashion, salaires au rabais et exploitation à l’autre bout du monde
Les consommateurs pourraient s’acheter des produits pour lesquels le salaire de production serait plus élevé, car la paie des petites mains n’a pas beaucoup d’impact sur le prix de vente final du vêtement. On estime que le salaire représente 1% du prix de vente final.
Les compagnies qui vendent de la mode bon marché gagnent des millions (ou milliards pour certaines…) de $ par an par contre. Leurs marges sont énormes. Pourtant, quand ces chaînes ont voulu “greenwasher” leur éthique sociale, elles ont mis la pression sur les usines où elles font fabriquer leurs vêtements pour augmenter les salaires, mais elles ont refusé de payer de leur poche ! Résultat : exploitants appauvris, licenciements, et donc encore plus d’exploitation pour ceux (et surtout celles) qui ont la “chance” de garder leur emploi dans les sweat shops…
Les usines qui fournissent les géants de la mode ne font presque pas de bénéfice sur les commandes, parfois elles vendent à perte pour garder un gros client. Chez nous, ces magasins de fast fashion font pourtant des bénéfices extravagants en nous vendant des saloperies à petit prix.
Lire aussi : Et si on arrêtait d’acheter des saloperies au lieu de ranger ?
Le salaire mensuel des couturières ne dépasse pas l’équivalent de 100$, souvent bien moins que ça… Ça laisse imaginer le bénéfice que peuvent en tirer les grandes chaînes de “mode”. La plupart des couturières gagnent le salaire minimum légal, qui est inférieur à ce que l’auteure appelle le “living wage”, c’est à dire le salaire minimum qui permettrait de vivre décemment. Les salaires dans ces pays sont tellement bas que cela revient moins cher de sous-traiter (par exemple : une usine chinoise soustraite à une usine au Bangladesh pour vendre à une marque européenne ou américaine) et de gérer les frais de transport que de fabriquer sur notre propre sol.

Éthiques et conditions de travail à la trappe
Les marques de fast fashion exigent des délais extrêmement courts, car leur secret pour s’enrichir, c’est de mettre de la nouveauté en magasin régulièrement (plusieurs fois par mois). Sans ces ventes en quantités, elles couleraient.
Elles imposent ainsi des délais extrêmement serrés, de 2 semaines maximum depuis la commande jusqu’à la réception parfois. Pour assurer ces délais, ces chaînes mettent la pression sur les usines, qui abusent de leurs employés en les faisant travailler des heures (jours) supplémentaires, évidemment rarement payées.
Mode et greenwashing
Depuis le drame de Rana Plaza, les enseignes de fast fashion tentent de redorer leur image. Les marques effectuent des audits elles-mêmes dans leurs propres usines et chez leurs sous-traitants, ils ne sont pas réalisés par des firmes extérieures ni des organismes neutres. Les audits sont prévus à l’avance et ne touchent que les fournisseurs directs. Facile dans ces conditions d’affirmer que ses propres produits sont “clean”.
Vêtements jetables, gaspillage vestimentaire et sur-consommation
Beaucoup de personnes se dédouanent de leur impact écologique en avançant le fait qu’elles donnent les vêtements qu’elles ne portent plus à des œuvres, associations… mais la qualité de nos vêtements à tellement baissé suite au phénomène fast fashion que la plupart des vêtements reçus par les associations ne sont pas en assez bon état pour être donnés ou vendus. De plus, les gens achètent, et donc se débarrassent, de tellement de vêtements, que les magasins de seconde main n’arrivent plus à gérer les stocks.
Ce qui n’est pas pris par les associations, ou qui n’est pas vendu dans la semaine, est revendu à des sociétés de recyclage, qui en feront des loques ou du matériels d’isolation (quand c’est possible), et enverront les vêtements encore portables vers le marché Africain, où la plupart des vêtements ne seront pas vendus, faute de qualité suffisante, et finiront dans des décharges.
La mode bon marché n’est pas synonyme de bonne affaire ! Réfléchissez à l’argent dépensé et au temps de vie du vêtement… Finalement, nous achetons tellement de vêtements, infuencé.e.s par les nouvelles collections qui se succèdent en rayons et les petits prix, que le budget total est bien supérieur à avant.
Les vêtements sont de moins en moins chers mais on dépense de plus en plus pour s’habiller… sans pour autant être satisfait.e.s de ce qu’on porte ! C’est aussi une mauvaise affaire pour beaucoup d’autres personnes dans le cycle de production : des humains souffrent pour pouvoir mettre ces produits en rayon, mais tout le monde ferme les yeux sur le problème. Exiger d’acheter toujours moins cher, c’est cause la délocalisation de nos usines, et donc des pertes d’emploi chez nous, et donc une diminution du train de vie.
Pour revoir son rapport aux vêtements :
- Les principes de la garde-robe capsule
- Vêtements : je t’aime, moi non plus
- Conseils pour acheter ses vêtements de seconde main

Ces éléments proviennent du livre “Over-dressed”, dont je recommande vivement la lecture pour celles et ceux qui le peuvent (le livre existe seulement en anglais et en italien à l’heure actuelle).
Sur le même thème, je recommande également le documentaire The True Cost, disponible sur Netflix, ou le reportage “Mode : la face cachée des petits prix” de Tout compte fait.

C'est très intéressant!
Merci pour cet article, qui reflète ce dont j'ai aussi pris conscience il y a peu… Une fois qu'on le sait, on ne peut plus fermer les yeux sur les conséquences désastreuses de la fast-fashion… Il faut vraiment que les gens s'en rendent compte rapidement !
Je n'ai pas lu ce livre mais il a l'air très intéressant. Je suis plus documentaires pour être honnête mais c'est bien que ce sujet soit traité de différentes façons.