Réapprendre à étudier quand on est adulte

Il y a un peu plus de 3 ans, je décidais de retourner à l’école. J’avais un peu moins de 30 ans, un boulot en CDI à temps plein, mais aussi une frustration que je traînais depuis près de 10 années avec moi. Aujourd’hui, après en avoir terminé, je tire un bilan de cette expérience, ce que ça m’a apporté, les obstacles rencontrés, et les conseils que je peux en tirer.

Choisir sa voie quand on est immature

A 18 ans, quand j’ai dû choisir ma voie, j’étais comme la plupart des gens de mon âge : perdue, peu sûre de moi et influençable. J’étais intéressée par beaucoup de choses, trop. Quand j’ai dû m’inscrire à l’école supérieure, j’ai fini par choisir la filière la plus sûre et sécuritaire. Pas la plus excitante, pas celle qui me faisait rêver ou m’intriguait, pas celle qui m’attirait le plus au fond, mais celle où j’étais sûre de réussir et d’avoir du boulot en sortant.

J’ai toujours été en avance sur mon âge, sur certains points mon niveau de maturité était supérieur à la moyenne, mais quand il s’agit de choisir sa voie, à 18 ans, la plupart d’entre nous sommes trop immatures et manquons d’expérience utile. Nous subissons une sacrée pression : il faut faire le bon choix tout de suite. Essayer une voie, arrêter pour recommencer autre chose, c’est mal vu dans notre société. L’échec n’est pas considéré comme une étape constructive dans notre parcours (et pourtant…).

Bref, je me suis retrouvée en dernière année de mon Bachelier* en secrétariat de direction, en train de faire mon stage, et j’ai su déjà à ce moment-là que j’avais fait un mauvais choix d’études. Pourtant, à 21 ans, je n’avais pas encore assez de force de caractère pour prendre mes propres décisions et oser recommencer autre chose. Les médias scandaient chaque jour qu’on était en pleine crise économique, que le chômage menaçait, alors quand on m’a proposé un boulot alors que je n’avais même pas encore le diplôme dans les mains, j’ai dit oui tout de suite en pensant que c’était une chance à ne pas rater.

(*) Je suis belge, je vais essayer de clarifier les termes nécessaires pour mes nombreux lecteurs francophones qui me suivent d’un autre pays. Bachelier = études supérieures (que l’on suit, si on a passé toutes ses années d’étude sans redoubler, de 18 à 21 ans). Ce sont des études supérieures orientées « professionnel », c’est-à-dire que la pratique y tient une place assez importante, au contraire d’études plus théoriques (qui se font en Master, de 18 à 23 ans, ou de 21 à 23 ans, en fonction des filières).

La reprise des études en étant adulte

J’ai bossé pendant 10 ans en tant qu’assistante dans différents domaines. J’ai travaillé sans interruption, sans être un seul jour au chômage. Je me suis même payé le luxe de démissionner de mon premier boulot car je m’étais fait embaucher ailleurs, et de réitérer trois ans plus tard. Certains diraient que j’ai eu un parcours très enviable. Pourtant, moi, j’étais malheureuse. Je m’ennuyais mortellement.

J’ai vite compris que je n’aurais pas de sitôt la possibilité d’évoluer dans les entreprises où je bossais. La configuration n’était jamais idéale. Je faisais un métier « de femme » et j’en subissais les conséquences. Je n’avais pas la patience d’attendre que, éventuellement, une opportunité se libère, peut-être, un jour. Quand j’ai entamé mon troisième boulot, le plus ennuyant de tous, j’ai compris qu’il fallait que je change de voie, ou que je crée mon job.

La chance que m’a donné ce dernier job salarié en date, c’est que pour la première fois que je travaillais pas très loin de chez moi. C’était donc l’opportunité de reprendre des études en cours du soir et weekend (« enseignement de promotion sociale » en Belgique) plus facilement. J’ai recommencé un Bachelier de zéro.

Je me suis donc lancée dans le challenge de l’informatique alors que je ne venais absolument pas d’une filière scientifique ou mathématique. J’étais plutôt cataloguée comme une littéraire.

Ratures et échecs à l'école

Cours du soir et travail à temps plein

J’ai commencé à suivre mes cours en horaire décalé en plus de mon boulot à temps plein. J’ai tenu ce rythme pendant 2 ans. Plutôt, j’ai survécu à ce rythme pendant deux ans.

Retourner à l’école presque 10 ans après avoir terminé ses études, ce n’est pas facile. Reprendre l’habitude d’écouter un prof pendant 3 ou 4 heures, bosser chez soi, étudier…

Quand tu viens de passer plus de 8 heures au taf, à faire des trucs qui t’ennuient, et que tu dois te traîner jusqu’à l’école, il faut être hyper courageux·e. Je l’ai fait pendant 2 ans, en ne manquant quasiment jamais les cours. J’avais cours 4 soirées par semaine en plus du samedi (demi-journée ou journée complète). Ça m’a bien rincée.

De plus, j’ai découvert que l’informatique était un domaine qui demandait un investissement énorme, beaucoup de pratique (or, je n’avais quasiment plus de temps libre entre le travail et les cours), une façon de penser différente…

La troisième année, j’ai commencé à beaucoup douter. Le rythme m’avait épuisée. En première année, j’avais raté un cours, pour la première fois de ma vie, et j’ai eu du mal à accepter cet échec (aujourd’hui ça va beaucoup mieux, merci). On avait des problèmes avec l’une des deux écoles où on suivait notre Bachelier. Sur le plan personnel, ça n’allait plus du tout au boulot.

J’ai réalisé que je me mettais une pression de malade car je voulais absolument changer de boulot, le plus vite possible. Du coup, je ne profitais pas de mes études, je voulais finir le plus rapidement possible, et chaque obstacle dans ma formation m’étais quasiment insupportable. Je me braquais face à chaque problème. J’ai failli abandonner mes études, purement et simplement, après trois années teintées de sacrifices, de peine et d’efforts.

C’est à ce moment-là que j’ai demandé de passer à mi-temps au boulot.

Reprendre les études sans pression

Après 6 mois à mi-temps, et réalisant que cet allègement d’heures ne me soulageait absolument pas, j’ai plaqué mon boulot. Ce qui m’a permis de faire le point sur beaucoup de choses, de me réécouter, de réfléchir. J’ai commencé ma quatrième année de cours* plus sereine.

J’ai accepté que mon parcours ne soit pas exemplaire, j’ai fait le deuil de ma scolarité parfaite. J’avais perdu de vue quelque chose d’important : je n’étais pas en train de faire une course, ni de concourir pour le prix du premier de classe. J’avais pris un virage à 360°, pour étudier un domaine que je n’avais que timidement touché jusqu’alors. J’avais fait des journées de 12 heures, des semaines de 6 jours. Je n’ai jamais baissé les bras malgré les périodes de découragement. J’ai enfin réalisé que je pouvais être fière de moi pour ça.

J’ai accepté mes échecs et mes difficultés. J’ai accepté de faire les choses à mon rythme. L’important, c’était aussi de profiter de la formation, d’apprendre (j’adore apprendre, si seulement je pouvais être payée pour apprendre des trucs et suivre des études…), de changer d’horizon, de me stimuler intellectuellement, de célébrer chaque réussite.

En parallèle de mes cours et puisque j’étais libre en journée, sans emploi, j’ai suivi une formation en cours du jour, sur un peu moins de quatre mois, pour bénéficier d’une formation concrète (ce qui manquait à mon parcours en cours du soir jusque-là), me faire une idée rapidement, et je l’espérais, obtenir une première expérience dans l’informatique qui ne pourrait que m’être bénéfique pour les cours du soir.

Cette formation en journée m’a fait beaucoup de bien car je me suis rendu compte du chemin parcouru grâce à mon Bachelier, même s’il était loin d’être terminé : pour la première fois, au lieu de me focaliser sur tout ce que je ne maîtrisais pas, j’ai réalisé tout ce que je connaissais déjà. L’ambiance de la formation et l’entente avec les autres participants et les formateurs ont aussi beaucoup joué, on apprenait de manière plus concrète, en dehors du cadre scolaire, avec un objectif à court terme.

Le résultat : avant la fin de cette formation et alors que je n’ai toujours pas mon diplôme, j’ai été embauchée comme développeuse dans une super entreprise où je me sens vraiment bien et je prends mon pied au boulot ! Je ne me souviens pas avoir déjà connu ça auparavant !

Finalement, alors que je pensais que ma seule issue était l’entrepreneuriat, avec son lot de déconvenues et de difficultés, j’ai trouvé ma place dans le salariat grâce à cette réorientation de carrière.

(*) Les études en horaire décalé que j’ai repris peuvent être faites en 3 ans 1/2 si on suit le cursus dans l’ordre normal et sans échec. Cependant, depuis l’introduction du décret paysage en Belgique, il est possible d’étaler ses cours sur plus d’années, sous certaines conditions. C’est pourquoi j’ai entamé une quatrième année.

Reprendre des études quand on est adulte et qu’on travaille

Quelques informations pratiques et conseils…

En Belgique, la reprise d’études en horaire décalé offre généralement la possibilité de demander à son employeur des congés éducation. Leur nombre peut varier grandement en fonction de votre commission paritaire, mais aussi des avantages propres à votre entreprise. Demandez des infos à vos RH dès que vous envisagez de reprendre des études. Pour ne pas perdre son droit, il faut avoir été absent moins de 10% du temps aux cours (absences non justifiées par un certificat médical ou une attestation de l’employeur). Lorsqu’on perd son droit pour cause d’absences trop nombreuses, on n’a plus droit à ces congés pendant une année scolaire complète !

Aux cours du soir, on se retrouve avec des gens de tous les âges et de tous les horizons. J’ai suivi des cours avec trois promotions différentes, et je peux dire que chaque groupe d’élèves était très différent. L’ambiance de cours, les âges, les personnalités variaient beaucoup. Les professeurs également sont très différents. Souvent, ce sont des gens qui travaillent dans le domaine qui donnent cours, parfois ce sont des profs qui ont enseigné directement, parfois encore ce sont des personnes qui ont arrêté leur carrière pour donner cours. Il faut être prêt·e à s’adapter aux personnes que l’on va rencontrer, les écarts peuvent être beaucoup plus signifiants que dans l’enseignement « classique ». Mais tout le monde y a sa place, à condition d’être prêt·e à bosser.

N’hésitez pas à profiter de l’étalement des cours. Gérer deux temps pleins (boulot et études), ce n’est pas facile ! A vouloir trop en faire trop vite, vous risquez de décrocher, de vous mettre la pression, de vous décourager… Mieux vaut parfois prendre une année supplémentaire, ne serait-ce que pour l’équilibre avec sa vie privée.


Si vous avez des questions précises sur le sujet, posez-les en commentaire pour que je puisse compléter l’article d’informations utiles.


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