
Dernière mise à jour le 25 mai 2025
Notre société est obsédée par l’apparence physique des femmes, et être belle et féminine est plus une injonction qu’un choix. Ces normes et critères de beauté font du tort aux filles et aux femmes tout au long de leur vie, et leur coûtent de l’argent, du temps, de la charge mentale, et des opportunités !
Cet article s’appuie sur différentes lectures, dont " Beauty Sick – How the Cultural Obsession with Appearance Hurts Girls and Women " (qu’on peut traduire par : " La maladie de la beauté, comment l’obsession culturelle de l’apparence blesse les filles et les femmes ") de Renee Engeln PhD et " Beauté Fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine " de Mona Chollet.
Il développe les causes et l’état actuel de l’exigence envers les femmes d’avoir une apparence acceptable pour la société, et donne des pistes pour sortir de ce carcan en tant que concernée.
- La " maladie de la beauté? "
- Femme objet
- Un problème qui commence très tôt
- Les modèles de " normalité féminine " dans les médias
- Femmes et pression de l’apparence : souvent une affaire de famille
- Les garçons expérimentent, les filles décorent
- Un problème culturel
- Objet décoratif
- Arrêtez de parler de nos corps, même quand vous pensez faire des compliments
- Toutes les femmes sont belles… et alors ?
- Se dénigrer soi-même, c’est normal
- Des conséquences sociales et professionnelles
- Des solutions pour se libérer de la pression du physique parfait
- Si on ne doit pas être belle, il faut être moche ?
- Ressources sur la pression de la beauté chez les femmes
Disclaimer. Le problème ici est observé uniquement du point de vue féminin. Il va sans dire que certains hommes se trouvent confrontés à des troubles liés à leur apparence, mais comme bien d’autres problèmes, cela reste majoritairement une affaire de femmes*.
Reconnaître que ce problème est majoritairement féminin ne signifie pas que l’on refuse d’accepter qu’il puisse toucher des hommes. Mais pour une fois, on voudrait porter l’attention sur les femmes, justement, dans un monde fait par et pour les hommes.
Le terme " femme " sera ici utilisé pour désigner toutes les personnes perçues comme telles, puisque ces normes pèsent sur toute personne sensée être " féminine " aux yeux de la société.
La " maladie de la beauté? "
On parle de " maladie de la beauté " quand les femmes sont tellement affectées émotionnellement par leur apparence physique qu’elles ont plus de mal à se concentrer sur les autres aspects de leur vie. Ce problème fait perdre aux femmes du temps, de l’argent et de l’énergie, et peut mener jusqu’à la dépression.
Quelques chiffres tirés du livre Beauty Sick :
- 85 à 90% des opérations cosmétiques chirurgicales et non chirurgicales sont effectuées sur des femmes.
- Les troubles alimentaires tels que la boulimie et l’anorexie touchent une personne de sexe féminin 9 fois sur 10.
Les jeunes femmes à notre époque peuvent se projeter dans beaucoup plus de carrières ou de projets de vie qu’auparavant, malgré cela elles sont toujours hantées par le besoin d’être jolies avant tout. Malgré leur réussite dans les études, bon nombre de filles subissent de l’anxiété à cause de ce sentiment d’être constamment jugées sur leur physique.
Arrêtez-vous quelques minutes, que vous soyez un homme ou une femme. Réfléchissez à la dernière fois où vous vous êtes retrouvé·e dans un groupe. Réfléchissez aux pensées qui ont traversé votre esprit en regardant vos pairs, ou faites l’exercice la prochaine fois, et observez les réflexions que vous vous faites.
Combien de remarques sur le physique des femmes du groupe, combien à propos de celui des hommes ? Oui, même moi, en me battant pour l’égalité des sexes et en étant très éduquée sur la question, j’ai remarqué que j’étais parfaitement formatée par la société, et que j’avais plus tendance à évaluer les femmes à hauteur des efforts qu’elles semblaient mettre dans leur apparence physique…
Cela m’a pris plusieurs années pour réussir à me reconditionner et à ne plus scruter le physique des femmes que je vois dans la vie de tous les jours et dans les médias…
Femme objet
Les femmes subissent ce qu’on appelle l’objectification : c’est ce qui arrive quand nous ne sommes pas traités comme un être humain avec des pensées, des sentiments, des buts et des désirs, mais comme un corps, ou un ensemble de parties de corps. Notre corps est perçu comme quelque chose qui existe pour le plaisir ou le bonheur des autres. On nous traite comme quelque chose d’utile aux autres seulement si notre corps peut plaire par son apparence.

Quand on se concentre sur la forme de vos jambes, on se fiche de votre intellect ou de vos ambitions. Quand le monde décide si votre poids est acceptable ou pas, il ne se soucie pas du type de personne que vous êtes ou voulez être, ou du travail que vous voulez accomplir.
Cette obsession de la beauté est évidemment un commerce très juteux qui fait dépenser beaucoup d’argent aux premières concernées. Ainsi, peu de marques sont enclines à faire changer les choses. Il est évident que la publicité et les médias jouent un grand rôle dans cette maladie de la beauté.
Le livre de Mona Chollet, " Beauté Fatale ", étaie encore cette idée : Les femmes ne sont que des morceaux de corps qu’il faut " ajuster ", " réparer ", " rajeunir ", " amincir/grossir ", la femme n’est pas appréciée dans sa totalité mais par morceaux.
Il y a une tendance à se séparer du corps, à le voir comme un outil indépendant de notre cerveau, notre personnalité… bref, à le déshumaniser : dès lors, il n’y a aucun souci à l’attaquer à coups de bistouris, à lui infliger des mauvais traitements pour répondre aux diktats, à en faire un porte-manteau pour mettre en valeur des vêtements, à le pointer du doigt et le critiquer ouvertement…
Notre société a tendance à ne plus considérer les gens, les femmes en particulier, comme des personnes à part entière avec leur personnalité, leurs mimiques, leur façon de bouger, leur attitude… mais comme des éléments esthétiques qui doivent plaire de manière statique.
[…]certes, dans leur vie amoureuse et sexuelle, les femmes sont des objets, et les hommes aussi ; mais les hommes, dans leur vie quotidienne, peuvent circuler, travailler, créer, exercer le pouvoir et que sais-je encore sans qu’on spécule à voix haute sur leurs talents érotiques et qu’on les ramène en permanence à leur joli petit cul – ou qu’on leur reproche leurs fesses tombantes.
Siri Hustvedt, Plaidoyer pour Eros
Je trouve qu’il y a un message très important dans cette citation : c’est Ok d’être sexualisé, objectifié, fantasmé… dans une cadre approprié, c’est-à-dire par exemple dans l’acte sexuel ou de séduction CONSENTIS. Ce qui ne l’est pas, c’est de sexualiser et objectifier des gens dans un cadre inapproprié (le pire étant pour moi sur le lieu de travail et dans sa carrière) et d’imposer cette vision à des personnes qui n’ont rien demandé.

Un problème qui commence très tôt
Les paragraphes de cette section sont directement inspirés du livre Beauty Sick et sont basés à la fois sur des témoignages personnels recueillis par l’auteure, des études réalisées par son groupe de recherche, et des études menées par d’autres instituts.
Les filles commencent à penser à leur corps idéal à un âge choquant tellement il est bas. 34% des filles âgées de 5 ans font, au moins de temps en temps, régime (surveillent leur alimentation), de leur propre chef.
Elles disent qu’elles veulent un corps qui ressemble à ceux qu’elles voient dans les films et à la télévision. Des enfants qui devraient à cet âge se soucier de pouvoir compter dix objets et manipuler une fourchette convenablement commencent déjà à penser à leur physique. 40% des filles entre 5 et 9 ans disent qu’elles voudraient être plus minces.
Ce souci de minceur se pose uniquement dans un contexte d’apparence physique et pas de santé, elles veulent être jolies.
Les modèles de " normalité féminine " dans les médias
Récemment, je regardais une série Netflix (" Love ") où les personnages se veulent " réalistes ", tant dans leurs problèmes personnels que physiquement. On essaie de dépeindre des personnes lambdas, comme on pourrait en rencontrer tous les jours dans la rue.
Pourtant, j’ai mis le doigt sur quelque chose qui me gêne régulièrement dans les films et séries, même quand ils sont censés être " woke " : quel que soit le thème, les femmes sont toujours désirables. Même si ces personnages féminins sont censés ressembler à la voisine (le cliché de la " girl next door" ) ou avoir un style plus relax et décontracté, elles restent appréciables à regarder et surtout fichtrement minces.
Dans la série en question, il y a des hommes qui ne sont pas franchement attirants, des hommes aux physiques variés. Mais les femmes sont toutes belles et minces, même si on essaie de les faire passer pour " banales ".

Ce phénomène a même un nom : le " hotness gap " (l’écart de sex-appeal). On l’observe dans tous les médias visuels mainstream, dans les couples de célébrités…
Si on peut voir des femmes canons, très apprêtées, avec des compagnons moches, c’est excessivement rare de voir des femmes moyennes ou moches avec des hommes canons, très apprêtés.
Quand c’est le cas, quand on considère qu’une femme sort avec quelque de " trop bien pour elle ", les insultes, moqueries, et l’incompréhesion générale sont au rendez-vous. Il est inconcevable pour énormément de gens qu’une femme dans un couple hétéro soit moins attirante que son compagnon !
Quand nous regardons la télé, nous ne voyons aucune variété, les femmes sont toujours façonnées dans le même moule (alors que les hommes, on les voit gros, maigres, poilus, imberbes, grands, petits, beaux, moches, parfaitement oubliables…). Je me suis aussi rendu compte que, dans la fiction, seules les femmes belles trouvent l’amour et le succès, alors que les hommes, quel que soit leur physique, finissent toujours vainqueurs.
Lorsqu’il y a une femme avec un physique " disgracieux " (comprendre : non conforme aux normes habituelles) dans une fiction, c’est parce que le surpoids ou autre " défaut " physique du personnage féminin principal est le sujet même de la série ou du film, ou parce que l’actrice en question joue le pitre et/ou la dégueulasse (je pense à Rebel Wilson par exemple).
Femmes et pression de l’apparence : souvent une affaire de famille
La source de ce malaise commence souvent au sein de la famille, où les petites filles entendent les femmes adultes parler de leur problèmes de poids, de leurs complexes, des corps parfaits qu’elles jalousent… Ou encore, lorsqu’elles reçoivent des remarques sur leur apparence, sur leur poids, chose qu’on épargne généralement aux garçons.
Quand un père hétérosexuel critique (en bien ou en mal) le physique d’autres femmes, il fait comprendre à sa fille qu’une femme ne mérite l’amour que si elle est belle, et qu’elle existe pour le plaisir des hommes. Quand une mère critique (en bien ou en mal) le physique d’autres femmes, elle fait comprendre à sa fille que c’est normal de considérer les femmes avant tout pour leur physique, et qu’elle devrait être hyper attentive au sien pour éviter d’être l’objet de critiques.
Quand les parents font des reproches sur le physique de leur fille, ils lui apprennent, ainsi qu’à leur fils, que c’est normal de juger et de critiquer le corps d’une femme, qu’on a le droit de le jauger et d’émettre notre avis.
Les garçons expérimentent, les filles décorent
Les petites filles sont souvent découragées de se salir lorsqu’elles jouent, au contraire des garçons, ce qui peut leur enlever l’attrait pour les sciences vivantes par exemple (" ne joue pas dans la terre, c’est sale" ). Les petites filles sont habillées dans des tenues jolies, pas fonctionnelles, qui les obligeront à bien se tenir, à être élégantes, quand les garçons peuvent jouer comme bon leur semble, développant leurs capacités motrices et expérimentant, se salissant dans la terre.
On attend juste des petites filles qu’elles soient jolies, on tolère que les garçons se salissent, se " tiennent mal ", expérimentent…
Un problème culturel
Les jeunes filles apprennent très tôt que leur apparence et le fait de plaire est une monnaie dans ce monde. On encourage ce problème quand on se contente de complimenter les filles et les femmes sur leur beauté et rien d’autre, ou quand on blâme les femmes pour leur apparence qui ne correspond pas aux critères que la société veut imposer.
Si autant de filles et de femmes sont confrontées à la " maladie de la beauté ", c’est parce que nous avons créé une société où on leur enseigne que la chose la plus importante qu’elles peuvent être, c’est être belle.
Une culture où l’on entretient cette " maladie de la beauté " portera plus d’attention au selfie nu d’une actrice qu’à un événement culturel important, trouvera toujours un commentaire à faire sur le physique d’une femme, que cela soit en question ou pas du tout dans le contexte.
Il n’y a qu’à voir tous les articles qui paraissent dans la presse féminine et pop-culture, sur la prise de poids ou les vergetures d’une star, une sortie avec les cheveux hirsutes ou sans maquillage… C’est à peine si on mentionne les dernières oeuvres des stars ou ce qu’elles accomplissent.
Objet décoratif
Dans Beauty Sick, l’auteure témoigne elle-même de certaines expériences personnelles. Elle raconte avoir effectué des jobs job d’hôtesse-potiche quand elle était plus jeune, sans vraiment se rendre compte de ce que cela représentait à l’époque.
Quand on paie une femme pour pouvoir la regarder, le message est clair : un corps de femme est décoratif. Les femmes sont passives. Leur corps existe pour les autres. Ce type d’activité ne donne aucun pouvoir à celle qui l’effectue.
La mode joue un rôle dans ce monitoring du corps des femmes. Plus les vêtements ont commencé à dévoiler le corps des femmes, plus il a fallu surveiller la forme du corps, son poids, ses poils, sa peau… " Votre liberté de porter un bikini signifie que vous devez vous inquiéter de la taille de vos cuisses ".
Bien qu’il est important que chacun·e soit libre s’habiller comme il ou elle le veut, force est de constater que la mode féminine se traduit souvent par des vêtements inconfortables, soit parce ces vêtements dévoilent une grande partie du corps, soit parce qu’ils ne sont pas faits pour se mouvoir aisément.
Indirectement, les femmes dépensent une énergie considérable à penser à ce à quoi elles ressemblent dans ces vêtements compliqués, elles ne sont pas à l’aise à cause des coupes faites uniquement pour l’esthétique et pas pour être pratiques, ou se sentent obligées de rentrer leur ventre ou se tenir d’une certaine manière pour que cela soit joli. Le font-elles vraiment parce que ça leur procure du plaisir, à elles ? J’en doute…

Arrêtez de parler de nos corps, même quand vous pensez faire des compliments
Vu les compliments qu’une femme reçoit lorsqu’elle " se fait belle ", perd du poids… c’est souvent difficile pour elle de savoir quand elle fait quelque chose juste parce qu’elle en a envie.
Le problème n’est pas de faire un commentaire négatif ou déplacé sur le physique d’une femme, mais d’en faire un commentaire tout simplement. Se permettre de commenter le physique d’une femme, même s’il s’agit d’un compliment, signifie que tout un chacun a le droit de juger et apprécier l’apparence d’une femme, sans avoir à lui demander son avis. Le corps d’une femme est sous surveillance constante de la part de l’opinion publique.
Même si l’on complimente une femme, on lui rappelle que son physique est constamment évalué. De même, parler de son physique à une femme, même de manière positive, la recentre encore et toujours sur son apparence.
Le livre Beauty Sick décrit entre autres l’expérience d’une jeune femme qui a développé des troubles alimentaires, alors qu’elle n’avait jamais porté d’attention à son physique jusque là, tout simplement car énormément de gens la complimentaient sur sa perte de poids récente (simplement due à une activité sportive et pas à une recherche de perte de poids). C’est à partir de là que son poids est devenu une obsession, et ce pendant des années.
Le message que le livre veut véhiculer n’est pas de l’ordre du " Nous sommes toutes belles quel que soit notre corpulence, notre couleur de peau, notre type de cheveux… " mais bien que la beauté n’est pas ce qui nous définit comme personne. Au final, ne pas être belle n’empêche pas d’être heureuse, épanouie, de faire ce que l’on veut de sa vie.

Toutes les femmes sont belles… et alors ?
Les discours qui disent que toutes les femmes sont belles comme elles sont (cfr une célèbre campagne de pub pour des gels douche…) signifient que toutes les femmes devraient se sentir belles, comme si cela était le point central de la vie d’une femme.
Le savais-tu ? On parle de " Body Positivity " quand on diffuse des messages qui veulent prouver que " toutes les femmes sont belles " et donc faire accepter plus largement les physiques " marginaux ". Mais on parle aussi de " Body Neutrality " quand on encourage à foutre la paix à son corps et au corps des autres et à arrêter de se focaliser sur l’apparence !
Trop souvent, les discours qui encouragent les femmes à aimer leur corps, même si elles ne répondent pas aux critères de beauté classiques, suggèrent qu’elles peuvent aimer leur corps car il est aimable par les hommes (par exemple : aimez vos courbes car les hommes aiment ça…).
Sur les réseaux sociaux, (extrait traduit de Beauty Sick) " Chaque photo d’une femme en bikini que vous voyez en ligne, même s’il s’agit d’une amie, vend un message à propos de ce que cela représente d’être une femme et ce qui est important dans notre culture. Le contenu de nos amis n’est pas la pour nous vendre un produit, mais cela façonne notre réalité et nos valeurs."
Se dénigrer soi-même, c’est normal
Les femmes ont l’impression qu’elles doivent être insatisfaites de leur physique. Si une femme affirme aimer son corps comme il est, elle sera mal perçue par les autres.
L’apparence physique est d’ailleurs un sujet de conversation récurrent chez les femmes, et ne pas y participer peut vous exclure de la conversation. Dans une certaine mesure, beaucoup de femmes ont l’impression qu’elles doivent se sentir mal dans leur corps, car c’est une norme suggérée par les discussions qu’elles ont avec d’autres femmes.
Quand nous disons du mal de notre corps, nous donnons l’impression aux autres que c’est normal d’agir comme cela, et c’est une chaîne sans fin.
Des conséquences sociales et professionnelles
Evidemment les hommes peuvent faire face à des problèmes liés à leur apparence, mais la mesure est bien moindre. Un homme sera toujours reconnu pour ses aptitudes et accomplissements en premier lieu, tandis qu’une femme, quelles que soient ses réussites, sera toujours appréciée sur son physique en même temps, voire avant le reste.
J’ai déjà remarqué que lorsqu’on parle d’une femme, on ne parle quasiment jamais de " celle qui est logisticienne ", " celle qui joue du violon ", " celle qui raconte toujours des blagues "… mais bien de ses traits physiques.
Si les femmes étaient moins centrées sur leur apparence, elles pourraient utiliser ce temps et cette énergie dans d’autres choses. Et c’est bien la société qui crée cette exigence de se tourner vers son apparence quand on est une femme. Il suffit d’observer celles qui sortent du rang et décident de mettre la beauté au second, voire à l’arrière plan, et les réactions à leur encontre.
Au plus on se sent mal dans son corps, au plus on juge les autres, au plus on se sent jugé, et au plus on se juge soi-même, c’est un cercle vicieux que l’on observe chez beaucoup de femmes.
L’apparence d’une femme doit toujours avoir la priorité sur ses sensations.
Naomi Wolf, The Beauty Myth
Cette obsession de la beauté est telle qu’énormément de femmes ne se sentent pas capable de sortir de chez elles si elles ne se trouvent pas belles, ou si elles ne sont pas maquillées et coiffées.
J’ai beaucoup aimé cet exemple concret, tiré du livre Beauty Sick : Une femme dans le monde du travail, habillée selon les codes imposés. Elle assiste à une réunion, ses pieds lui font mal à cause de ses chaussures à talons. Toutes les x minutes, la douleur se rappelle à elle, la déconnectant quelques secondes de ce qui se passe. Toutes les x minutes, elle se demande si le maquillage n’a pas coulé sous ses yeux, si son rouge à lèvre est encore en place, si ses cheveux son en place, si sa position ne dévoile pas trop ses jambes, car sa jupe remonte lorsqu’elle est assise… Pendant ce temps, les hommes dans la salle de réunion sont concentrés sur le sujet discuté, absolument pas distraits par leurs vêtements ou leur apparence.
Une autre histoire intéressante est celle d’un groupe de filles qui sortent à leur bal de promo, et passent leur temps à tirer sur leur robe qu’elles ont choisi un poil trop courtes (pour suivre la mode, pour être attirantes…), ce qui leur gâchera certainement une bonne partie de la soirée qu’elles passeront à penser à leur apparence.
Le problème n’est pas en soi de s’occuper de son apparence, mais que cela nous accapare tellement que ça nous détourne de tout le reste. Et si, en tant que femme, on aime s’occuper de son physique, cela ne nous donne absolument pas le droit de juger et déprécier les femmes qui ont décidé de ne pas y porter autant d’attention.
Des solutions pour se libérer de la pression du physique parfait
1. Sélectionner les médias qu’on consomme
Refuser de consommer des médias (livres, magazines, films, séries…) qui idéalisent le corps féminin ou poussent à rechercher cet idéal, sélectionner les comptes que l’on suit sur les réseaux sociaux.
2. Changer notre regard sur le corps de toutes les femmes
Pour devenir bienveillant·e envers soi, il faut appliquer cette même bienveillance aux autres, et dénormaliser ces comportements qu’on a intégré depuis longtemps.
Ne pas participer à l’objectification des autres femmes, reporter son attention sur les réalisations et la personnalité des femmes qu’on croise, ne pas juger leur physique, et détourner les conversations quand elles tendent à adopter ces comportements, voire explication clairement que c’est nocif.
Ne pas éduquer les filles à se focaliser sur leur corps. Avoir un discours positif avec les petites filles, ne pas attirer l’attention sur leur physique, ne pas leur parler de beauté avant toute autre chose, remarquer leurs aptitudes et facultés, les laisser vivre autant qu’un garçon, sans faire de différenciation.
3. Être reconnaissant·e pour les capacités de son corps
Penser à son propre corps en tant qu’outil : c’est ce qui nous permet de bouger, de vivre, de profiter, de jouir, d’accomplir, de faire ce que l’on veut, pas un objet d’exposition. Quand on se regarde dans le miroir, se considérer dans notre ensemble, englobant notre être, notre esprit, nos pensées, ce qu’il y a à l’intérieur. Penser à tout ce que nous sommes capables de faire, exprimer de la gratitude envers notre corps.
4. Relativiser l’importance de la beauté
Comprendre que la beauté n’est pas la clé du bonheur. Être beau ou belle (quoi que cela signifie), ou mince, ou dans les standards, ne rend pas heureux ! C’est juste une idée vendue par la publicité (conventionnelle, ou plus insidieuse, telle que le marketing d’influence).
5. Ne pas mieux penser… mais moins penser à son physique et au physique des autres
Penser moins à son physique plutôt que de vouloir à tout prix y penser de manière positive. Penser de manière positive à son corps et être bien dans sa peau sont deux choses différentes.
Parler d’autre chose que de beauté et d’apparence physique, explorer notre être interne et apprendre à connaître les autres femmes au-delà de leur physique. Même quand la discussion débute là-dessus, osez lui faire prendre un autre tournant… ou détournez vous de celles qui s’entêtent dans cette direction.

Les femmes qui sont bien dans leur corps ne sont pas nécessairement des femmes qui refusent de " se faire belle ", mais elles ont décidé que leur propre valeur ne se rapporte pas à leur pouvoir d’attraction sur les autres, et donc à leur beauté. Si elles décident de mettre du maquillage, c’est pour prendre soin d’elles et se faire plaisir, pas pour jouer le rôle d’une belle femme aux yeux du monde extérieur.
Si on ne doit pas être belle, il faut être moche ?
La conclusion n’est pas que être belle, c’est mal, ni que les femmes doivent arrêter de " vouloir être belles ", mais qu’il est important et urgent d’arrêter de juger une femme à son physique par-dessus tout le reste, d’exiger des femmes qu’elles répondent à certains critères, et de penser au corps de la femme comme à un objet de plaisir pour les yeux.
Arrêter d’en faire une norme, arrêter de disposer du corps des femmes. Que l’on soit un homme ou une femme, il faut au contraire rappeler aux femmes, et se rappeler, qu’une femme est une personne, un être humain, avec son caractère, son intelligence, ses aspirations, ses désirs, et tant d’autres choses.
L’apparence physique ne devrait en aucun cas être la seule chose, ni la première chose, qui motive une femme, ni la première chose à laquelle elle pense quand elle se réveille, ou qu’elle entre dans une pièce, car cette obsession est à la base de beaucoup d’inégalités sociales subies par les femmes. Il est important aussi de garder à l’esprit qu’il ne suffit pas de le dire pour arrêter de penser comme cela.
Entretenir sa beauté doit être un choix à 100% motivé par soi-même, indépendamment des messages véhiculés par la société, de la pression sociale et des demandes de notre entourage.
Mona Chollet clôture ainsi son livre " Beauté fatale " :
" Non, décidément, ‘il n’y a de mal à vouloir être belle’. Mais il serait peut-être temps de reconnaître qu’il n’y a aucun mal non plus à vouloir être. "
Mona Chollet, " Beauté Fatale "
Ressources sur la pression de la beauté chez les femmes
Voici la liste des livres cités dans l’article :
- Beauty Sick – How the Cultural Obsession with Appearance Hurts Girls and Women, Renee Engeln PhD ❤️❤️❤️
- The beauty myth, Naomi Wolf
- Plaidoyer pour Eros, Siri Hustvedt
- Beauté Fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine, Mona Chollet
Lire aussi : King Kong Théorie de Virginie Despentes
D’autres articles sur le blog :
- Sélection de séries et films sur Netflix : body neutral, inclusifs, féministes…
- Pourquoi il n’est jamais bon de se comparer
À lire ailleurs :
- Apparence physiques : les femmes sont toujours perdantes (Revue politique, Sophie Heine, 21 oct 2011). Extrait : " Imaginons un court instant un monde dans lequel les femmes seraient considérées avant tout comme des personnes, jugées sur leur caractère et leurs qualités intellectuelles plutôt que sur leur pouvoir de séduction. Pensez-vous sérieusement qu’elles passeraient autant de temps à s’épiler, se maquiller, se coiffer ou faire les magasins ? (…) La coquetterie deviendrait certainement une affaire de goûts personnels plutôt que de sexe, certains individus, hommes ou femmes, accordant plus de soin que d’autres à leur apparence. "
- Stéréotypes de beauté : les déconstruire pour s’en libérer (Collectif contre les violences familiales et l’exclusion, Muriel Vanderborght, mai 2016).Extrait : " S’il fut une époque où la beauté était un don de la nature, elle est aujourd’hui considérée comme le résultat d’un travail de soin apporté à leur corps par des femmes capables de faire les sacrifices nécessaires. La laideur féminine n’est dès lors plus un manque de chance dans la loterie de la vie, mais bien plutôt le signe d’une absence de volonté. "
- Entretien d’embauche : les femmes seraient bien plus jugées sur leur apparence (Welcome to the jungle, 29 juin 2020). Extrait : " Par ses travaux de recherche, une équipe de l’University of the West of Scotland (Écosse) a mis en avant la propension plus élevée des recruteurs (hommes comme femmes) à juger un candidat sur son apparence lorsqu’il s’agit d’une femme (…). Et on apprend ailleurs que plus de deux-tiers des employeurs admettent rechigner à l’idée d’embaucher une femme qui n’est pas maquillée. "
TEDx Talks : " Pourquoi vous ne vous sentirez jamais la plus belle ? " (Charlie Danger)

Merci pour ce résumé fort intéressant.
Peux-tu développer cette partie?
– Les petites filles sont souvent découragées de se salir lorsqu'elles jouent, au contraire des garçons, ce qui peut leur enlever l'attrait pour les sciences. –》 je ne comprend pas bien le rapport.
Sinon, je te recommande vraiment de lire Mona Chollet : Beauté fatale – les nouveaux visages d'une aliénation féminine. Il est disponible gratuitement sur le site de son éditeur (Zones). Et je te recommande aussi au passage son livre "Chez soi" qui évoque le rapport au foyer.
Merci je vais lire ça!
C’était un exemple donné par l’auteure qui expliquerait que les petites filles soient moins intéressées par le monde sauvage par exemple (pas le droit d’aller crapahuter dans le jardin, d’observer les insectes, etc)
Si j’extrapole un peu, je suppose que les petites filles ayant été découragées de se salir peuvent garder ces manières plus tard, d’où le moindre nombre de femmes attirées par les activités salissantes et les métiers manuels. Merci pour la remarque je retravaillerai le paragraphe pour qu’il soit olus compréhensible.
Ce sujet me prend tellement la tête!. Mais je suis d'accord avec tout. "Les petites filles sont souvent découragées de se salir lorsqu'elles jouent": entièrement vrai! pendant que son grand frère jouait dans les flaques,
j'ai vu une petite fille obligée par sa mère à mettre des petites chaussures en cuir parce que "on porte pas des baskets avec une robe". (déjà, mode des années 50 bonjour)
Malgré ma réaction assistant à ça "Elle est trop jeune pour se soucier de ça.",la mère a continué de jouer à la poupée.
la pression que certaines filles ressentent peut provoquer injustement de l'antipathie envers celles qui correspondent aux critères de beauté
Les femmes ne mettent pas en avant des personnalités féminines intelligentes. C'est un tout petit effort à faire!
"On attent (coquille) des femmes qu'elles répondent à certains critères de beauté, mais surtout, si elles y parviennent, on ne veut pas qu'elles en soient fières, elles doivent rester humbles"
En effet, dire qu'on est moche est bien vu et reçu plus positivement car cela fait un appel au réconfort.
Si on se sent bien, on a pas besoin d'être rassuré. Et on a pas besoin non plus de critiquer l'apparence des autres femmes.
Or critiquer l'apparence des femmes est une activité sociale très présente, signaler que c'est mal nous exclut socialement.
Mais de quoi parlerions-nous?
(Ex: les gens ne savent rien des positions des politiciennes mais critiquent leurs vêtements)
Je pense que les relations humaines sont tellement creuses que beaucoup de femmes utilisent la beauté pour réclamer l'attention qu'elles n'arrivent pas à avoir par manque de qualités humaines. On récolte de la reconnaissance en faisant des choses et faisant preuve d'intelligence sociale. Je critique aussi celles qui ont pri parti de croire qu'elles sont moches et que ça doit les affecter, et qui se servent trop souvent de ça pour susciter de l'amitié car c'est un comportement manipulateur. Je ne vois pas en quoi se détester est une qualité à encourager en donnant une réaction positive. Donc je ne vais pas encourager quelqu'un qui a ce type de comportement en entrant dans son jeu, ce n'est certainement pas son apparence le problème. Si on manque d'attention c'est peut être aussi parce qu'on ne donne pas aux autres de raison de nous apprécier. Etre jolie n'est en rien un remède à cela.
Bonjour et encore merci pour et article très pertinent qui en effet, décrit et reprend un thème véridique et j’ai l’impression que cela empire, j’ai la trentaine et déjà à mon adolescence c’était compliqé mais alors avec l’arrivée des réseaux sociaux et des comptes instagram beauté et compagnie ça devaint catastrophique …j’en parlais avec mon compagnon qui est papa d’une pré ado de 12 ans..;comemtn trouver un équilire car ..on voit bien ‘lipact des clips, youtube etc…pardon mais on sexualise beaucoup trop la femme et poourquoi pour le profit…la femme …outil de vente majeur du capitalisme….il faut drait faire lire ce livre etvotre article dans toutes les écoles de secondaire
C’est sûr, c’est le genre de débat qu’il faudrait amener dans les écoles, et suffisamment tôt ! En Belgique nous sommes vraiment à la traîne (je ne sais pas si c’est mieux dans d’autres pays). On commence à aller dans le bon sens mais j’ai l’impression que ça prendra des décennies avant d’inverser la tendance. Le problème principal est que tous ces messages sont souvent portés (inconsciemment) par la mère à la fille et que ces idées sont ancrées très tôt dans l’esprit des enfants. Après, difficile de déconstruire des choses qu’on croit depuis toujours.
Merci pour ton article. Le sujet est très pertinent. Je le ressens tous les jours. Le fait que l’on voit que des femmes minces partout (à la télévision, dans les magazines, sur les réseaux sociaux) ne font qu’empirer la situation. De plus, y a une industrie, celle de la mode, qui ne fait rien ou très peu pour faire basculer la situation. Je lisais récemment un article que mentionnait la difficulté rencontrée par les femmes rondes à trouver des vêtements adaptés à leur morphologie. Que peu d’enseignes s’en soucient de ce besoin (mango, h&m, witt, c&a) et essaient de proposer des gammes adaptées à leur morphologie. Mon ressentir est surtout que notre société actuelle fait une ode aux physiques très minces, ce qui est très problématique. À cause de regarder des images des femmes extrêmement minces, cette nouvelle génération d’ados n’a plus une idée saine de leur corps. Espérons que dans les années à venir la situation change pour le bien-être psychologique de nos enfants.
Merci pour ta réaction !
Il y a en tout cas pas mal de mouvements aujourd’hui qui se battent contre cette pression de l’apparence, alors qu’on prend enfin conscience que toutes ces images à la télé et sur les réseaux sociaux poussent de plus en plus d’ados, et d’enfants, à des comportements dangereux (scarification, anorexie, jusqu’au suicide…). Mais tout ça est bien ancré et nombreuses sont encore les personnes qui nient la situation ou n’y voient pas de problème. Les médias moins mainstream, indépendants, commencent timidement à introduire des femmes moins stéréotypées, plus " vraies ", dans leurs productions. Il faut éduquer les plus jeunes, leur apprendre à cultiver un esprit critique par rapport à tout ça en attendant que les changements soient visibles, ce genre de sujet devrait être discuté dans les écoles et avec les parents. Il faut continuer à communiquer sur le sujet.