
C’est tentant d’acheter tout un kit de feutres pour se mettre au dessin ou au coloriage, d’acheter une énorme boîte de fils pour commencer à broder, de collectionner les kits à crocheter, de s’équiper de la parfaite panoplie de la coureuse ou du coureur… Pourquoi nos hobbies sont devenus aussi chers, et comment éviter la surconsommation quand on se trouve une nouvelle passion ?
J’ai vu passer de nombreuses vidéos YouTube anglophones sur le lien entre les loisirs et la surconsommation. Ces vidéos m’ont donné envie de développer le sujet ici aussi. J’ai déjà parlé des collections et des passions sur ce blog*, et dans mon guide de désencombrement, mais la situation a évolué avec le temps, et un nouveau facteur est apparu dans l’équation : le marketing d’influence.
Le fait est que tous les hobbies sont devenus des sujets d’influence : il existe des comptes et des communautés sur les réseaux sociaux à propos de tous les passe-temps, de la lecture au coloriage en passant par le journaling, la peinture…
Les astérisques (*) renvoient à des liens d’articles ou de vidéos à la fin de cet article.
- Quelques problèmes du marketing d’influence dans le domaine des hobbies
- Choisir un hobby pour soi… pas pour les réseaux sociaux ou les perspectives financières
- Essayer avec le strict minimum
- Mon expérience avec le dessin
- Quelques hobbies qui ne demandent pas, ou quasiment pas, de matériel
- Plus de ressources sur les hobbies et la surconsommation (et comment l’éviter !)
Quelques problèmes du marketing d’influence dans le domaine des hobbies
Hobbies et surconsommation
Malheureusement, qui dit influence sur Internet et les réseaux sociaux, dit surtout incitation à acheter et collectionner. À force de voir toutes les possibilités qui existent, on se lasse plus vite de notre petit kit de départ ou de nos outils usés.
On pourrait croire que ces achats non nécessaires sont causés par des produits à petit prix qu’il est facile de collectionner, mais dans l’une des vidéos que j’ai regardées*, j’ai découvert qu’il y avait toute une communauté autour du coloriage sur les réseaux sociaux, influencée par des personnes qui vantent un kit de feutres relativement chers, qui est devenu le « must-have ».
Petits prix ou pas, on est tentés d’acheter plus que raison alors qu’on n’a pas encore utilisé ce qu’on possède : on gaspille de l’argent, du matériel, et on s’encombre.
Pire, de nombreux·euses YouTubers, Instagrammers et TikTokers se vantent de leur collection et exposent leurs fournitures comme dans un magasin. On transforme des objets pratiques en des articles de collection, voués à n’être jamais utilisés ou à peine, et créant de la demande inutile, et donc, de la surconsommation.

S’il ne s’agissait que de quelques influenceur·euses, ce serait moche mais pas catastrophique. Le problème, c’est l’influence justement : quand l’audience se met à adopter les mêmes comportements vis-à-vis des objets.
Hobbies et pression
Cette « relation » aux influenceur·euses hobbies entraîne d’autres problèmes, comme le fait de se comparer*, ou l’impression qu’il faut professionnaliser tout ce qu’on crée* (ou qu’on pourrait créer). On se met la pression pour atteindre des objectifs ou être aussi bon·ne que les personnes qu’on suit sur les réseaux sociaux.
Or, nos hobbies sont censés nous nourrir, nous aider à nous évader, nous donner des opportunités que le monde professionnel ne nous donne pas, nous permettre de nous planter, d’être mauvais·e ou moyen·ne, d’essayer des choses…
D’ailleurs, je pense que beaucoup de personnes aujourd’hui choisissent tel ou tel hobby, non pas par attrait réel, mais pour suivre une mode, ou en espérant percer sur les réseaux sociaux, et là, ça devient vraiment problématique : on ne peut pas vraiment parler de hobby.
Quand on se met à une activité uniquement pour pouvoir en parler sur Internet, on tombe de nouveau dans le piège de la « hustle culture« *, où toute activité créative doit être rentabilisée, ou où plus aucun loisir n’en est vraiment un…
Je suis membre d’un groupe de broderie à la main sur Internet, et je ne compte plus le nombre de personnes qui sont déjà en train de demander comment vendre leurs créations alors qu’elles n’en sont qu’aux balbutiements.

Les loisirs sont censés être une activité bien-être pour soi, un moment pour développer sa créativité, laisser son esprit diverger… pas une activité performative ! Si tu te sens apiré·e dans la spirale de la surconsommation et de la compétition dans le cadre de tes hobbies, voici quelques conseils pour retrouver de la simplicité dans tes passe-temps.
Choisir un hobby pour soi… pas pour les réseaux sociaux ou les perspectives financières
Avant de débuter un nouveau hobby, assure-toi que tu le fais pour les bonnes raisons, sans influence. Tu peux te demander :
- Est-ce que j’ai envie de pratiquer cette activité si ça ne me rapporte rien financièrement, ou en terme de vues sur les réseaux sociaux ?
- Pourquoi j’ai eu envie de commencer ce hobby, où est-ce que j’ai vu ça ? Quelle est ma motivation ?
- Est-ce que j’ai déjà d’autres activités pour lesquelles je n’ai pas assez de temps à mon goût ?
- Est-ce que je renonce à autre chose pour pouvoir débuter ce hobby, et est-ce ok ?*
Un hobby est censé te permettre de t’évader et d’oublier les contraintes du quotidien, te permettre de t’épanouir et de découvrir de nouvelles choses. Assure-toi que ton envie t’appartiens vraiment, et qu’elle n’est pas motivée par de mauvaises raisons.
Pour cela, si nécessaire, prends de la distance par rapport aux réseaux sociaux, ou à d’autres communautés ou sources qui ont tendance à t’influencer dans tes choix malgré toi.
Essayer avec le strict minimum
Quand on se lance dans un loisir créatif, on ne sait pas si ça va nous plaire et nous faire du bien. Ce qui marche pour « les autres » ne nous convient pas nécessairement ! Dès lors, il est inutile d’acheter un énorme coffret de matériel avant d’avoir fait ses premiers pas, ou quand on vient juste de commencer. En effet, on peut aimer les premiers pas dans la discipline, mais se rendre compte que c’est ennuyant sur le long terme, ou qu’on n’arrive pas à passer à l’étape suivante.
Donne-toi le temps de découvrir la discipline avant de te projeter, prends le temps de découvrir les techniques et outils que tu aimes ou pas, sans être influencé·e.
Quelques pistes :
- Choisis l’outil le plus basique et teste pendant une période suffisamment longue, pour t’assurer que tu as envie de continuer.
- Privilégie les outils à la pièce plutôt que les coffrets complets : oui, si on compare, les coffrets « reviennent moins cher », mais si tu n’utilises pas leur contenu, tu auras gaspillé plus d’argent ! Acheter à la pièce permet de s’équiper progressivement, uniquement ce dont tu as besoin, et sans devoir débourser une grosse somme d’un coup.
- Vois si tu peux t’équiper de seconde main, soit en achetant, soit en récupérant du matériel auprès de connaissances, ou emprunte le matériel si la personne l’utilise encore.
- En suivant des cours en groupe, le matériel est parfois fourni sur place, ce qui te permet de tester des choses sans rien acquérir.
Mon expérience avec le dessin
Je dessine depuis toute petite, avec de longues périodes d’arrêt dans ma vie. Récemment, j’ai décidé de consacrer plus régulièrement du temps au dessin. Je suis quelques dessinatrices sur Internet(1), et j’avoue que j’ai souvent été tentée d’acheter les crayons ou feutres qu’elles utilisent, parce que j’avais l’impression que ça me permettrait de dessiner aussi bien qu’elles.
Je revoyais toujours les mêmes marques, les mêmes feutres et crayons largement considérés comme la référence (pas par des influenceur·euses, mais par la communauté artistique), si tout le monde en faisait l’éloge, j’avais peu de chances de me tromper, non ?
Cependant, les crayons et feutres en question coûtent assez cher, surtout si on veut une gamme complète, et je ne savais pas ce qui me plairait entre les différents outils disponibles. J’ai donc décidé de me procurer un petit échantillon des différents crayons et feutres pour pouvoir me faire ma propre idée.
J’ai même eu la chance de pouvoir acheter ces petits lots de seconde main. Si ça n’avait pas été le cas, j’aurais acheté quelques pièces à l’unité, plutôt que le coffret complet avec toutes les couleurs.
Résultat des courses, sur les 3 types de crayons et feutres, je me rends compte qu’un seul me convient vraiment, mais aussi que mon style se dévoile plus quand je dessine juste avec un simple et unique feutre noir ! Voir ces outils utilisés sur Internet ne me permettait pas de remarquer que les feutres percent à travers les papiers même les plus épais, m’obligeant à gaspiller une face de feuille sur deux, ou que les crayons aquarelle donnent un rendu trop léger par rapport à mes goûts et demandent plus de technique, ce qui me détend moins.
J’ai pu faire cette expérience à moindre coût, et je sais maintenant dans quel type de crayon je peux investir si j’ai envie d’étendre ma palette.
(1) Je ne suis personne qui fait l’étalage de murs entiers de feutres et crayons, les dessinatrices en question ne font pas la promotion du matériel qu’elles utilisent, ce sont généralement des illustratrices professionnelles qui vivent de la vente de leurs créations, et qui sont vraiment passionnées par l’art. Elles ne se font pas sponsoriser pour gagner de l’argent et ce n’est pas le but de leur compte sur les réseaux sociaux ou YouTube.
Quelques hobbies qui ne demandent pas, ou quasiment pas, de matériel
Si tu n’as pas vraiment d’idée de hobby mais que tu aimerais en commencer un, voici des idées de loisirs créatifs et autres hobbies qui peuvent être pratiqués avec très peu de matériel.
Cependant, si un loisir te procure du plaisir et que tu as envie de t’y investir, ce n’est pas un problème d’acquérir un peu plus de matériel, tant qu’il est utilisé et que son achat est motivé par tes envies à toi. L’avantage des hobbies ci-dessous est qu’ils peuvent être commencés avec rien ou très peu, à toi de voir ce que tu veux en faire par la suite !
- Écrire : Il existe plein de loisirs créatifs liés à l’écriture, et ils ne demandent qu’un stylo (si tu écris à la main) ou un ordinateur (si tu écris en ligne). Tu peux t’adonner au journaling avec un simple carnet, pas besoin de le rendre hyper esthétique comme dans les vidéos qu’on voit sur Internet. Tu peux écrire sur ta passion, rédiger des carnets de voyages ou de souvenirs, échanger une correspondance épistolaire ou numérique, et même écrire de la fiction pour ton propre plaisir.
- Junk journal* : Il s’agit de récupérer des déchets propres (papiers d’emballage, coupures de magazines, courriers et autres) pour réaliser des montages, un peu à la façon du scrapbooking, mais sans rien acheter, si ce n’est un carnet. (Personnellement je n’ai pas assez de « beaux déchets » pour faire ça, donc je colle de temps en temps ce genre de choses dans mon journal ou mon carnet à croquis…)
- Dessiner : Même si je teste d’autres outils, ma méthode de dessin préférée, c’est de juste dessiner avec un feutre noir ! Tu peux dessiner avec un crayon, un porte-mine, un stylo bille ou plume, les couleurs ne sont pas nécessaires. Tu peux aussi obtenir de très beaux résultats en utilisant seulement une ou deux couleurs en plus de ton outil de base. J’aime avoir un carnet pour le dessin, mais tu peux aussi récupérer des feuilles imprimées d’un seul côté, dessiner sur les pages inutilisées de ton agenda…
- Chanter : Pas besoin de bien chanter, mais qu’est-ce que ça défoule de s’égosiller sur ses titres préférés ! Tu peux voir les paroles des chansons sur Spotify, ou chercher des vidéos de karaoke.
- Danser : Pas besoin de bien danser non plus, il suffit de mettre ta playlist préférée et de te lâcher.
- Faire du sport : Pense à tous les sports qui se basent sur la résistance au poids du corps (pilates, yoga…), ou encore à la marche. Dans le premier cas, il te suffit d’un tapis à mettre au sol (ou d’une grande serviette si tu as une pelouse à disposition), dans le second, d’une bonne paire de chaussures. Nager ne nécessite qu’un maillot et une serviette.
- Broderie Sashiko : un type de broderie d’origine japonaise dont le but initial est de réparer esthétiquement des vêtements, mais qui peut être utilisé pour réaliser des motifs. Son gros avantage, en comparaison avec la broderie « occidentale », c’est qu’il n’y a qu’un point à apprendre, et qu’elle se réalise généralement avec un seul fil, ou deux, de couleur beige ou blanc : pas besoin de toute une palette de couleurs. Parfait si tu veux de la simplicité !
- Balades nature : Le but est d’observer la végétation, les insectes, les oiseaux, les champignons, les roches… en forêt, en campagne, voire dans ton jardin si tu en as un (pratique la tonte raisonnée pour y faire venir la vie sauvage). Tu peux observer juste pour le plaisir, ou faire des croquis ou noter tes observations, ou encore essayer de retrouver ce que tu as vu dans des guides naturalistes.
- Cuisiner : Tester des choses que tu ne fais pas toi-même habituellement, en utilisant le matériel que tu as chez toi.
- Lire : Pense à prendre un abonnement à la bibliothèque, à participer à des groupes d’échange ou de prêt de livres… (Idem si tu cherches des manuels pour apprendre un hobby.)
Plus de ressources sur les hobbies et la surconsommation (et comment l’éviter !)
Sur le blog
Multipassionné·e, geek et minimaliste ? Des conseils pour éviter d’accumuler quand on est passioné·e par un sujet ou qu’on a tendance à collectionner.
La hustle culture a-t-elle volé ma capacité à me détendre ? À propos de notre tendance à vouloir rentabiliser tous nos hobbies.
Trop d’idées ? Apprends à gérer et à passer à l’action. Pour faire le tri quand on a envie de débuter plein de choses.
Pourquoi il n’est jamais bon de se comparer aux autres, et comment arrêter.
Retrouver du temps pour soi, désencombrer son agenda.
Ailleurs
Junk Jounal, qu’est-ce que c’est ? (N’oublie pas d’écrire, 14 oct 2019)
Une des nombreuses vidéos sur la surconsommation dans les hobbies (en anglais), comment les communautés d’influence ont créé de nouveaux standards performatifs, impossibles à atteindre pour la plupart des gens, le fait que des produits chers et pas toujours qualitatifs soient devenus la norme, le fait de collectionner des objets qui ne sont jamais utilisés dans un but d’accumulation et d’esthétique…
